LA QUESTION AFGHANE DANS LA CAMPAGNE ELECTORALE AU CANADA

22 septembre 2008- Les interrogations sur le co�t de la participation canadienne � la Force Internationale de Stabilisation en Afghanistan (ISAF) ont ramen� la question afghane dans la campagne �lectorale en cours au Canada. Le retour de cette question controvers�e survient alors que plusieurs avaient cru qu'elle serait peu ou pas �voqu�e en raison de l'accord intervenu en mars dernier entre le Parti Conservateur et le Parti Lib�ral. 
 
A ce moment-l�, le Parti Conservateur au pouvoir et l'opposition lib�rale se sont entendus pour maintenir les 2500 soldats canadiens dans la r�gion de Kandahar, jusqu'en juillet 2011, donc au-del� de f�vrier 2009 comme c'�tait pr�vu initialement. 
Une motion en ce sens a �t� adopt�e � la Chambre des communes. Une motion assortie de conditions: c'est � dire que l'OTAN envoie des renforts de 1000 soldats ainsi que des h�licopt�res et des v�hicules a�riens sans pilote d'ici 11 mois. 
La motion avait �t� adopt�e par un vote de 198 � 77. Les d�put�s du Bloc qu�b�cois et du NDP et un d�put� ind�pendant avaient vot� contre.  
 
M. Harper remportait ainsi une victoire en convaincant les lib�raux de St�phane Dion, de changer de politique. Jusque l�, ces derniers r�clamaient la fin de la mission de combat dans la r�gion de Kandahar en f�vrier 2009. Simultan�ment, le parti lib�ral acceptait de faire dispara�tre l'enjeu afghan des points de discorde avec le gouvernement conservateur minoritaire de Stephen Harper. Le chef du NPD, Jack Layton, continue de r�clamer le retrait imm�diat des troupes canadiennes. De son c�t�, le chef du Bloc qu�b�cois, Gilles Duceppe, a d�clar� qu'il �tait "irresponsable" de prolonger la mission jusqu'en 2011 alors que le gouvernement n'a toujours pas pr�cis� combien co�tera ce s�jour prolong� des soldats canadiens. 
 
Or, c'est cette question du co�t est revenue hanter le gouvernement au cours de la deuxi�me semaine de campagne �lectorale. Les trois formations de l'opposition � la Chambre des Communes, le parti lib�ral, le Nouveau Parti D�mocratique et le Bloc qu�b�cois, ont r�clam� que les donn�es sur les co�ts de la mission canadienne dans ce pays soient d�voil�s avant les �lections. Rapidement, le premier ministre conservateur a indiqu� qu'il autorisait la publication d'un rapport sur les co�ts v�ritables de la mission.  
 
Dans le pass�, le gouvernement Harper a estim� le co�t de la mission de six ans en Afghanistan � moins de 8 milliards de dollars. Un rapport complet sur l'�tat r�el des co�ts sera rendu public prochainement. Mais d�j�, selon des chiffres rendus publics lors d'une conf�rence sur la d�fense, la semaine derni�re � Victoria, il appara�t plut�t que la guerre en Afghanistan co�tera plus de 22 milliards de dollars. Cela inclut toutes les d�penses, notamment les co�ts des soins pour les anciens combattants. 
 
Le premier ministre a invoqu� les investissements additionnels, particuli�rement en �quipement, compte tenu des dangereuses circonstances dans lesquelles se trouvent les troupes. 
 
Au del� des co�ts, il appara�t que la mission b�n�ficie de moins en moins du soutien des Canadiens. Selon un sondage publi� le 4 septembre, 61 pour cent des r�pondants que la mission du pays en Afghanistan est trop co�teuse, notamment en terme de pertes de vies. Depuis 2002, 97 soldats, un diplomate et deux travailleurs humanitaires ont perdu la vie en Afghanistan. Seuls 33 pour cent des r�pondants se sont prononc�s en faveur d'une prolongation de la mission. 
 
Le Premier ministre et chef du parti conservateur, Stephen Harper, sait, lui aussi lire les sondages. Et c'est peut �tre ce qui explique sa d�claration cat�gorique sur la mission canadienne en Afghanistan en tout d�but de campagne �lectorale. Stephen Harper, a promis que la mission militaire canadienne en Afghanistan ne se prolongera pas au-del� de 2011. M. Harper a soulign� qu'apr�s six ans de pr�sence � Kandahar, le Canada aura fait sa part et que le gouvernement afghan devra assumer la part du lion pour assurer sa propre s�curit�. Le chef conservateur a pr�cis� que le Canada aura un r�le apr�s 2011, mais humanitaire plut�t que militaire.  
 
Entretemps, en Afghanistan, le guerre continue avec des objectifs moins ambitieux que ceux encore affich�s, l'an dernier. Il semble, en effet, que les grandes ambitions que le gouvernement de Stephen Harper entretenait pour la mission militaire canadienne en Afghanistan ont r�tr�ci. Il y a 17 mois, dans un document interne de la D�fense nationale, obtenu par le quotidien The Globe and Mail, il �tait question de porter des coups s�v�res aux talibans et d'enrayer le trafic d'opium dont les rebelles se servent pour financer leurs activit�s. Mais ces objectifs sont manifestement absents des priorit�s identifi�es par le gouvernement canadien, d�but septembre. 
 
Le 5 septembre dernier, le gouvernement canadien a rendu public ses rep�res et les indicateurs de progr�s pour l'Afghanistan ainsi que les projets de premier plan qui seront mis en oeuvre en Afghanistan d'ici 2011. Aujourd'hui, on affirme notamment � Ottawa que "le Canada canalisera ses efforts sur les capacit�s de l'Afghanistan en mati�re de gouvernance d�mocratique en contribuant � l'�tablissement d'institutions publiques et de processus �lectoraux rigoureux et responsables".  
 
Dans le m�me �nonc�, on affirme �galement que le Canada facilitera les efforts d�ploy�s par l'Afghanistan en faveur d'une r�conciliation politique dans l'int�r�t d'une paix durable. D'ici 2011, les initiatives des gouvernements national et provinciaux devraient avoir favoris� la r�conciliation politique, notamment avec l'appui ponctuel du Canada." 
 
 
De leur c�t�, les Talibans qui se sont renforc�s ces derniers temps ne parlent pas beaucoup de r�conciliation. Ils savent �galement que le Canada est en pleine campagne �lectorale. En Afghanistan, les Talibans ont d�cid� d'utiliser la campagne �lectorale canadienne � des fins de propagande. Un porte-parole des taliban en Afghanistan a indiqu� �tre au courant de la tenue prochaine d'�lections g�n�rales au Canada. Il a ajout� qu'il soutenait le parti qui sera le plus susceptible de retirer le contingent canadien d�ploy� dans le sud afghan.  
 
Cela dit, ce n'est pas la propagande des Talibans qui changera les d�cisions du gouvernement canadien. Par contre, l'approche canadienne sera largement d�termin�e par la strat�gie g�n�rale de l'OTAN en Afghanistan. Or ces derniers temps, cette strat�gie est de plus en plus remise en cause dans les pays membres de l'OTAN, o� plusieurs s'interrogent sur les choix qui ont �t� faits.  
 
Au Canada comme dans tous les pays qui participent � l'ISAF, on regarde de plus en plus vers le Pakistan, base arri�re des insurg�s jug�s responsables d'attentats contre les forces de la coalition en Afghanistan. Au d�but de l'ann�e, le rapport Manley proposait que le Canada et ses alli�s entreprennent des "d�marches �nergiques" aupr�s du Pakistan. Dans l'�nonc� de septembre du gouvernement canadien, le "facteur pakistanais" est �voqu�. Une des priorit�s identifi�es est l'accroissement de la s�curit� et "la gestion de la fronti�re entre le Pakistan et l'Afghanistan". On est toutefois avare de d�tails sur la fa�on de proc�der. Aux Etats-Unis, au d�but du mois, le chef d'�tat-major de l'arm�e am�ricaine, l'amiral Mike Mullen, a admis que les forces �trang�res n'�taient pas en train de gagner en Afghanistan et a sugg�r� un changement de strat�gie afin de combattre l'insurrection talibane jusqu'au Pakistan. Depuis, les forces am�ricaines ont commenc� � mener des op�rations contre les islamistes bas�s dans le nord-ouest du Pakistan.  
 
Evidemment, ces interrogations et les discussions sur un changement de strat�gie sont aliment�es par la d�gradation de la situation s�curitaire en Afghanistan. Un ancien diplomate britannique, Rory Stewart, qui continue de s'occuper autrement du dossier afghan a fait �tat de ses vues, cet �t�, dans un brillant article du magazine Time. Il �crivait: la strat�gie militaire actuelle ne fonctionne pas en Afghanistan et ce n'est pas un plus grand nombre de troupes qui va rem�dier � la situation. Il faudrait mieux revoir tout �a et viser des objectifs militaires plus limit�s comme emp�cher Al Qaida d'�tablir de nouvelles bases en territoire afghan. 
 
Aujourd'hui, le premier ministre Harper fait une �valuation de la situation telle qu'elle pourra se pr�senter apr�s juillet 2011. Il n'attend pas de miracles, dit qu'il faut �tre "r�aliste" et affirme maintenant que le but du Canada en Afghanistan n'est pas d'�liminer totalement l'insurrection, mais de faire en sorte que les Afghans soient en mesure de contr�ler la situation eux-m�mes. A partir de cet �nonc�, on peut se demander si la raison d'�tre de la mission qui est toujours affich�e sur le site web du Ministere canadien des Affaires Etrangeres est "r�aliste" et toujours d'actualit�. Il y est notament dit que l'objectif est "de prot�ger les Canadiens en s'assurant que l'Afghanistan ne retombe jamais aux mains des talibans et qu'il devienne une soci�t� stable, libre et d�mocratique." 
 
 
Jean B�riault  
Chroniqueur de politique �trang�re  
[email protected]  
22 septembre 2008  
 



Cet espace se veut d'abord un lieu d'échange et d'interaction avec les auditeurs de RCI sur les questions reliées à la politique étrangère du Canada. Toutes sortes de questions peuvent être abordées : par exemple, l'état des relations avec tel ou tel pays, les litiges commerciaux, ou les positions défendues par Ottawa aux Nations Unies dans un dossier spécifique. Le rôle du Canada au sein de l'OTAN, du Conseil de l'Arctique, du G8 ou dans la communauté des pays du pourtour du Pacifique, voilà autant de sujets qui peuvent susciter des interrogations. Bref, tout ce que vous voulez connaître sur les relations internationales du Canada.

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 JEAN BÉRIAULT

Etudes:
• Doctorat en Histoire (Relations Internationales) de l'Université de Paris-Sorbonne obtenu en 1976 suite à la soutenance d'une thèse sur la politique étrangère chinoise.
•Baccalauréat spécialisé en Science politique. (Relations internationales) UQAM. 1972.
• Baccalauréat ès Arts obtenu au Collège Jean-de-Brébeuf en 1970.

Vie professionnelle:
A Radio Canada International, chroniqueur spécialisé en politique étrangère canadienne et affaires internationales depuis 1997 et chef-de-pupitre depuis plus de 20 ans. Effectue des reportages à l'étranger, aux Etats-Unis, en Europe, au Proche-Orient et en Asie, pour assurer notamment la couverture des négociations commerciales multilatérales sous l'égide du GATT ainsi que celle des sommets de l'OTAN de 1999 et de 2002. Collabore à diverses publications dont le magazine " Le 30 " pour une chronique mensuelle sur la liberté de la presse dans le monde de 1993 à 2003. (www.fpjq.org).

 




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