LE LITIGE OTTAWA-PARIS SUR LE PLATEAU CONTINENTAL CANADIEN

30 mars 2009- Le gouvernement fran�ais a confirm� la semaine derni�re son intention de d�poser une lettre d'intention aux Nations unies pour revendiquer le droit de l'archipel fran�ais de Saint-Pierre-et-Miquelon de d�velopper son �conomie en ayant un plus grand acc�s aux sous-sols de l'oc�an Atlantique. L'archipel est situ� dans l'Atlantique Nord � 20 kilom�tres des c�tes sud de la province canadienne de Terre-Neuve. La r�action du Canada ne s'est pas faite attendre: Ottawa a rappel� que la d�limitation maritime entre le Canada et la France a �t� r�gl�e par un tribunal d'arbitrage international en 1992. R�gl�e "de mani�re d�finitive" ajoutait-on, � Ottawa.  
 
Mais est-ce vraiment d�finitif? Ca reste � voir. A Saint-Pierre-et-Miquelon, on ne consid�re certainement pas que c'est d�finitif. Un groupe s'est form�: le Collectif pour l'extension du plateau continental de Saint-Pierre-et-Miquelon. Il s'est adress� directement au pr�sident Nicolas Sarkozy. Le Collectif plaide pour que la France d�pose une lettre d'intention revendiquant l'extension du plateau continental au large de Saint-Pierre-et- Miquelon aupr�s de la Commission des Limites du plateau Continental � l'ONU, pour que des n�gociations soient entam�es entre la France et le Canada. Sur quoi se base t-on? La sentence du tribunal de 1992 a laiss� la possibilit� � la France de d�poser une lettre revendiquant l'extension du plateau continental autour de Saint Pierre et Miquelon. En effet, ce tribunal a consid�r� que la d�limitation au-del� de 200 milles ne relevait pas de sa comp�tence, et conform�ment � la convention de 1982 sur le droit de la mer, a renvoy� toute revendication � ce sujet � la Commission des limites du plateau continental. 
 
Nous sommes en 2009. La d�cision du tribunal d'arbitrage international remonte � 1992. Qu'est qui s'est pass� depuis pour expliquer la mobilisation de la population de l'archipel? R�ponse: le succ�s �conomique observable chez le voisin imm�diat, Terre-Neuve. Terre-Neuve o� l'exploitation p�troli�re a g�n�r� des revenus importants. C'est � partir des ann�es 1980 que l'on d�couvre les gisements p�troliers des Grands Bancs. L'exploitation commence en 1997 avec Hibernia. Bernard Le Soavec, coordonnateur du Collectif pour la d�fense de l'extension du plateau continental de Saint-Pierre-et-Miquelon fait valoir qu'alors que l'�conomie de Saint-Pierre est moribonde, les eaux proches de Terre-Neuve regorgent de p�trole et de gaz. Il poursuit: " Saint-Pierre-et-Miquelon et la Guyane sont les seules chances de la France d'avoir des r�serves d'hydrocarbures". Au mois de d�cembre, la d�put�e de Saint-Pierre-et-Miquelon, Annick Girardin a plaid� la cause devant l'Assembl�e nationale fran�aise: Elle a dit: "Alors que la province canadienne voisine de Terre-Neuve conna�t un essor consid�rable c'est � dire une augmentation importante du PIB par habitant, et du revenu des m�nages, il serait incompr�hensible que l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon reste � l'�cart du d�veloppement �conomique.  
Selon la d�put�e, "le d�clin semble inexorable, d'autant que beaucoup de clignotants �conomiques et d�mographiques sont au rouge." La p�che ne repr�sente plus que 3000 tonnes de captures par an, contre 8000 en 1992. .Entre 1999 et 2006, la population a chut� de 3%, et cette tendance se poursuit. Pour les t�put�s de l'archipel, "la France doit imp�rativement faire valoir ses droits dans la r�gion et d�poser sa lettre d'intention avant la date butoir du 13 mai 2009, selon la Convention du droit de la mer. Bref, selon la d�put�e Annick Girardin, "alors que les perspectives en mati�re d'hydrocarbures et de p�che sont r�elles dans l'Atlantique Nord, la seule option repose d�sormais sur l'extension du plateau continental". 
 
Jusqu'� tout r�cemment, pour Paris il n'�tait absolument pas question de rouvrir ce dossier. Au mois de novembre dernier, le ministre fran�ais des affaires Etrangeres, Bernard Kouchner adressait une note � la d�put�e de St Pierre et Miquelon, Annick Girardin. Il �crivait qu'une d�marche fran�aise en vue de l�extension du plateau continental ne serait "ni r�aliste, ni souhaitable", que la remise en question de la sentence arbitrale de 1992 "donnerait lieu � un litige lourd de cons�quences" entre la France et le Canada. Cela pourrait m�me porter pr�judice � l'insertion r�gionale de Saint-Pierre-et-Miquelon. Le chef de la diplomatie fran�aise concluait en affirmant qu'il paraissait justifi� de poursuivre la "politique de coop�ration avec le Canada pour obtenir son plein soutien au d�veloppement �conomique de l'archipel". 
 
 
Qu'est ce qui s'est pass� depuis? : Il n'y a pas eu encore d'explication officielle quant au changement de position. Le contexte g�n�ral a chang�. Le changement de position de Paris est il reli� aux troubles r�cents dans un autre D�partement d'Outremer, la Guadeloupe? A ce sujet, le journal fran�ais Sud-Ouest a �crit: "Dans la grand valse des conflits outre-mer, Saint-Pierre-et-Miquelon l�ve maintenant le doigt. Avec ses 6 345 habitants, l'archipel a peu de chances de d�clencher un incendie social � grande �chelle. Le probl�me n'en est pas moins r�el." La sensibilit� de Paris est peut-�tre plus grande face aux revendications d'outre mer mais il demeure que la situation n'a pas vraiment de correspondance directe avec les revendications et ce qui s'est pass� en Guadeloupe. Peut-�tre que la d�cision de Paris de d�poser une lettre d'intention � la Commission des limites du plateau continental" de l'ONU rel�ve simplement de la prudence. La date limite approche. Il est imp�rieux de respecter les d�lais , histoire de se laisser la possibilit� de poursuivre, ou non, la d�marche plus tard. C'est l'hypoth�se la plus plausible pour expliquer la nouvelle position de la France. La diplomatie fran�aise sera soumise � dure �preuve pour traiter de ce sujet d�licat. Au Quai d'Orsay, lorsqu'on �voque les discussions pr�vues � ce sujet entre Bernard Kouchner et son homologue canadien Lawrence Cannon, on choisit les termes avec soin: les deux hommes, indique-t-on, parleront des "principaux sujets de l'actualit� internationale et de notre relation bilat�rale, y compris l'insertion de Saint-Pierre-et-Miquelon dans son environnement r�gional". 
 
 
Entre-temps, la position du Canada semble in�branlable. Comme cela a �t� soulign� dans une note diplomatique adress�e � la France en novembre dernier, "le Canada ne reconna�t � la France aucune zone maritime, incluant le plateau continental, dans l'Atlantique Nord-Ouest au del� de celle comprise dans la zone d�limit�e par la sentence arbitrale de 1992". Ottawa lie "la certitude et le caract�re d�finitif " des fronti�res maritimes entre les deux pays � la coop�ration bilat�rale dans la r�gion. Ottawa cite comme bon exemple de cette coop�ration l'accord sign� entre le Canada et la France sur l'exploration et l'exploitation des champs d'hydrocarbures transfrontaliers. L'accord ferait en sorte que d'�ventuels gisements chevauchant la fronti�re seraient exploit�s d'un commun accord et de mani�re �quitable. A la suite de l'annonce de la d�cision fran�aise, la semaine derni�re, le ministre canadien des Affaires �trang�res a fait savoir que "le Canada prendra toutes les mesures n�cessaires pour d�fendre et prot�ger ses droits sur le plateau continental canadien".  
 
En r�alit�, la revendication fran�aise arrive au pire moment pour le Canada qui doit d�j� mobiliser ses ressources pour faire face � la contestation de sa souverainet� dans l'Arctique par plusieurs pays, les �tats-Unis, le Danemark la Norv�ge et la Russie qui a annonc� la semaine derni�re la cr�ation d'une force militaire sp�ciale pour d�fendre ses int�r�ts dans l'Arctique. Ottawa n'avait certainement pas besoin d'un litige dans l'Atlantique nord o� il croyait les choses r�gl�es depuis 1992. 
 
 
Jean B�riault  
Chroniqueur de politique �trang�re  
[email protected]  
30 mars 2009


Cet espace se veut d'abord un lieu d'échange et d'interaction avec les auditeurs de RCI sur les questions reliées à la politique étrangère du Canada. Toutes sortes de questions peuvent être abordées : par exemple, l'état des relations avec tel ou tel pays, les litiges commerciaux, ou les positions défendues par Ottawa aux Nations Unies dans un dossier spécifique. Le rôle du Canada au sein de l'OTAN, du Conseil de l'Arctique, du G8 ou dans la communauté des pays du pourtour du Pacifique, voilà autant de sujets qui peuvent susciter des interrogations. Bref, tout ce que vous voulez connaître sur les relations internationales du Canada.

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 JEAN BÉRIAULT

Etudes:
• Doctorat en Histoire (Relations Internationales) de l'Université de Paris-Sorbonne obtenu en 1976 suite à la soutenance d'une thèse sur la politique étrangère chinoise.
•Baccalauréat spécialisé en Science politique. (Relations internationales) UQAM. 1972.
• Baccalauréat ès Arts obtenu au Collège Jean-de-Brébeuf en 1970.

Vie professionnelle:
A Radio Canada International, chroniqueur spécialisé en politique étrangère canadienne et affaires internationales depuis 1997 et chef-de-pupitre depuis plus de 20 ans. Effectue des reportages à l'étranger, aux Etats-Unis, en Europe, au Proche-Orient et en Asie, pour assurer notamment la couverture des négociations commerciales multilatérales sous l'égide du GATT ainsi que celle des sommets de l'OTAN de 1999 et de 2002. Collabore à diverses publications dont le magazine " Le 30 " pour une chronique mensuelle sur la liberté de la presse dans le monde de 1993 à 2003. (www.fpjq.org).

 




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